Pour le tout premier article de l’Académie Horizen, nous aimerions remonter le temps et voir d’où viennent la technologie de la blockchain et des cryptomonnaies. Cela nous ramène au mouvement Cypherpunk qui a commencé dans les années 1970.

La cryptographie pour le peuple

Avant les années 1970, le chiffrement était principalement utilisé à des fins militaires. Les gens à cette époque vivaient surtout dans le monde où l’ère du numérique n’était pas encore arrivée. Peu de gens possédaient des ordinateurs et pouvaient encore moins imaginer une technologie reliant presque tous les êtres humains sur la planète - l’Internet.

Deux publications ont rendu la cryptographie connue du grand public, à savoir le “Data Encryption Standard” publié par le gouvernement américain et un article intitulé “New Directions in Cryptography,” du Dr Whitfield Diffie et du Dr Martin Hellman, publié en 1976.

New directions New directions

Dans les années 1980, David Chaum a commencé à écrire sur des sujets tels que la monnaie numérique anonyme et les systèmes de réputation pseudonymes, tels que ceux décrits dans “Security without Identification: Transaction Systems to make Big Brother Obsolete”. C’était le premier pas vers les monnaies numériques que nous voyons aujourd’hui.

Les Cypherpunks

Ce n’est qu’en 1992 qu’un groupe de cryptographes de la région de la baie de San Francisco a commencé à se réunir régulièrement afin de discuter de leur travail et de leurs idées semblables. Ils ont établi les bases de la recherche cryptographique pour les années à venir. En plus de leurs réunions régulières, ils ont également commencé la liste de diffusion Cypherpunk dans laquelle de nombreuses idées qui ont conduit à la naissance de Bitcoin ont été discutées. Fin 1992, Eric Hughes, l’un des premiers cypherpunks, écrivit le “A Cypherpunk’s Manifesto”, exposant les idéaux et la vision du mouvement.

Note : Nous vous encourageons à le lire, car il nous semble tout aussi pertinent, sinon plus qu’il ne l’était en 1992 et cela ne prend que 5 minutes de votre temps. C’est étonnant de voir à quel point les premiers membres ont fait preuve de prévoyance quand la plupart des gens ne pensaient même pas encore aux ordinateurs.

Le manifeste des cypherpunks

Un extrait du Manifieste:

Anglais

“Privacy is necessary for an open society in the electronic age. Privacy is not secrecy. A private matter is something one doesn’t want the whole world to know, but a secret matter is something one doesn’t want anybody to know. Privacy is the power to selectively reveal oneself to the world.”

“Privacy in an open society also requires cryptography. If I say something, I want it heard only by those for whom I intend it. If the content of my speech is available to the world, I have no privacy. To encrypt is to indicate the desire for privacy, and to encrypt with weak cryptography is to indicate not too much desire for privacy.”

“We must defend our own privacy if we expect to have any. We must come together and create systems which allow anonymous transactions to take place. People have been defending their own privacy for centuries with whispers, darkness, envelopes, closed doors, secret handshakes, and couriers. The technologies of the past did not allow for strong privacy, but electronic technologies do.

“We the Cypherpunks are dedicated to building anonymous systems. We are defending our privacy with cryptography, with anonymous mail forwarding systems, with digital signatures, and with electronic money.”

Français

“La vie privée est nécessaire pour une société ouverte à l’ère électronique. La vie privée n’est pas un secret. Une affaire privée est quelque chose qu’on ne veut pas que le monde entier sache, mais une affaire secrète est quelque chose qu’on ne veut pas que quiconque sache. La vie privée est le pouvoir de se révéler sélectivement au monde.”

“La vie privée dans une société ouverte exige aussi la cryptographie. Si je dis quelque chose, je veux qu’elle ne soit entendue que par ceux à qui elle est destinée. Si le contenu de mon discours est accessible au monde entier, je n’ai aucune privacité. Chiffrer, c’est indiquer le désir de privacité, et chiffrer avec une cryptographie faible, c’est indiquer que l’on ne désire pas trop de privacité.”

Nous devons défendre notre vie privée si nous voulons en avoir. Nous devons nous unir et créer des systèmes qui permettent des transactions anonymes. Les gens défendent leur vie privée depuis des siècles avec des chuchotements, l’obscurité, des enveloppes, des portes fermées, des poignées de main secrètes et des courriers. Les technologies du passé ne permettaient pas d’assurer une solide protection de la vie privée, mais les technologies électroniques le font.”

“Nous, les Cypherpunks, sommes dédiés à la construction de systèmes anonymes. Nous défendons notre vie privée grâce à la cryptographie, aux systèmes de transmission anonyme du courrier aux signatures numériques et à l’argent électronique.”

Le cash électronique

Bien que vous ayez peut-être entendu parler de ce mouvement pour la première fois, vous avez très certainement bénéficié des travaux de certains de leurs membres qui ont servi à développer le chiffrement Tor, BitTorrent, SSL et PGP. Et après avoir lu la dernière citation du Manifeste ci-dessus, il ne vous surprendra probablement pas que de nombreux concepts et idées qui ont conduit à l’émergence des cryptomonnaies proviennent de ce groupe.

En 1997, Adam Back a créé HashCash qui a été proposé comme une mesure contre le spam. Un peu plus tard, en 1998, Wei Dai a publié son idée pour b-money et a conçu les idées de la preuve de travail (PoW: Proof-of-Work) et de la preuve d’enjeu (PoS: Proof-Of-Stake) afin de parvenir à un consensus dans un réseau distribué. En 2005, Nick Szabo a publié une proposition pour le bit gold. Il n’y avait pas de plafond sur la réserve maximale, mais il a introduit l’idée d’évaluer chaque unité de bit gold (bit d’or) par la quantité de travail de calcul qui a permis sa production. Bien que ce ne soit pas ainsi que les cryptomonnaies sont évaluées, le prix de production (composé du coût du matériel et de l’électricité) joue un rôle dans la tarification de ces actifs numériques.

En 2008, Satoshi Nakamoto a finalement publié le livre blanc Bitcoin, citant et s’appuyant sur HashCash et b-money. Non seulement ses premières communications, mais aussi certaines parties de son livre blanc, comme ce qui suit sur la vie privée, suggèrent qu’il est proche du mouvement Cypherpunk.

Anglaid

“The traditional banking model achieves a level of privacy by limiting access to information to the parties involved and the trusted third party. The necessity to announce all transactions publicly precludes this method, but privacy can still be maintained by breaking the flow of information in another place: by keeping public keys anonymous. The public can see that someone is sending an amount to someone else, but without information linking the transaction to anyone. This is similar to the level of information released by stock exchanges, where the time and size of individual trades, the ‘tape’, is made public, but without telling who the parties were.”

Français

“Le modèle bancaire traditionnel permet d’atteindre un certain niveau de protection de la vie privée en limitant l’accès à l’information aux parties concernées et aux tiers de confiance. La nécessité d’annoncer publiquement toutes les transactions exclut cette méthode, mais la protection de la vie privée peut toujours être maintenue en brisant le flux d’information à un autre endroit : en gardant les clés publiques anonymes. Le public peut voir que quelqu’un envoie un montant à quelqu’un d’autre, mais sans information reliant la transaction à la personne. C’est semblable au niveau d’information publié par les bourses, où l’heure et la taille des transactions individuelles, la “bande”, est rendue publique, mais sans dire qui étaient les parties.”

Avant le XXe siècle, la technologie ne permettait pas d’assurer une forte protection de la vie privée, mais elle ne permettait pas non plus une surveillance de masse bon marché. Nous croyons au droit à la vie privée et nous nous efforçons de permettre à toute personne qui le souhaite de revendiquer la protection de sa vie privée de le faire. Nous considérons qu’une cryptomonnaie avec une protection sélective de la vie privée est un bon pas dans la bonne direction pour récupérer notre vie privée.